Les bâtiments parlent d’eux-mêmes, mais on les voudrait parfois plus loquaces. L’architecture peut-elle passer par d’autres canaux, comme le cinéma ou la bédé, pour se tailler une place dans l’imaginaire collectif ? Esquisses s’est posé la question.
Bjarke Ingels, le starchitecte danois à la tête de BIG (Bjarke Ingels Group) aime repousser les limites de la profession. C’est pour cette raison qu’il a publié en 2010 Yes is more, un manifeste sous forme de bande dessinée. « Notre intention était de voir si nous pouvions expliquer notre processus dans un format de livre, rappelle son associé Daniel Sundlin. Le neuvième art ramène le récit à l’essentiel tout en gardant l’histoire immersive et engageante. On a ainsi pu combiner les récits visuel et écrit de manière très fluide. »
L’architecture est aussi au cœur du premier livre du bédéiste français Lucas Harari, L’aimant, où les thermes de Vals (un complexe hôtelier et thermal conçu par Peter Zumthor en Suisse) deviennent un personnage à part entière. « La fiction est un endroit très riche pour parler des œuvres qui nous touchent et du coup de l’architecture. Le dessin permet d’ouvrir plein de possibilités », affirme l’auteur, qui est fils d’architecte.
Sous toutes les formes…
Pas besoin de se limiter au trait de crayon. « Les nouvelles technologies permettent de s’engager dans toute une série de projets et de brouiller la définition d’architecte et de designer. Je pense que la réalité virtuelle est une avenue passionnante où, tout à coup, l’organisation spatiale est beaucoup plus liée à l’imagination des créateurs et des visiteurs qu’aux lois de la physique », estime Daniel Sundlin.
Le cabinet touche-à-tout monte aussi des expositions. En 2019, Formgiving, qui explore comment on conçoit l’architecture, sera présentée au Centre danois d’architecture. Bjarke Ingels a en outre fait l’objet d’un film (BIG Time) en plus de participer à quelques documentaires, où il explique sa démarche créative et son métier.
Le cinéaste Étienne Desrosiers, qui a réalisé en 2016 un film sur Roger D’Astous, encourage les architectes à s’aventurer dans d’autres formes d’expression artistique. « Tous les moyens sont bons pour parler de ce qu’on aime. Il faut montrer l’architecture autrement, la mettre en scène et vulgariserle propos pour joindre le grand public. En même temps, à chacun son métier. »
Ce dernier déplore par ailleurs le manque de visibilité des architectes au Québec, surtout ceux des années 1960, 1970 et 1980. « Quand on demande aux gens de nommer un architecte québécois, ils répondent bien souvent Ernest Cormier ou Pierre Thibault. » L’un a débuté dans la profession à la fin de la Première Guerre mondiale et l’autre, à la fin du 20e siècle !
… et sur toutes les plateformes
Le site Web Joli Joli Design regroupe des amateurs d’architecture, d’aménagement intérieur et de design. Depuis sa mise en ligne en 2014, sa popularité grandit sans cesse, tout comme son nombre d’abonnés sur Instagram. La rédactrice en chef, Marylou Girard Bouchard, est convaincue que les réseaux sociaux permettent aux architectes de faire découvrir leur métier tout comme les nombreuses séries offertes sur le design rendent le sujet plus accessible (voir ci-dessous).
« Je suis toujours étonnée quand une firme d’architecture québécoise n’utilise pas les réseaux sociaux ou ne tient pas son site à jour. C’est pourtant devenu un réflexe pour les 18-35 ans de chercher là-dessus. C’est aussi important pour les architectes d’avoir des réseaux sociaux à l’image de leur travail et de s’associer avec des photographes qui comprennent leurs créations », souligne-t-elle.
Daniel Sundlin acquiesce. « Notre Instagram est un excellent moyen de nous impliquer dans la communauté et d’amener virtuellement les gens sur nos chantiers, de la première pelletée de terre à l’ouverture. »
Pour augmenter la diffusion de l’architecture, il faudrait avant tout la démystifier, croit de son côté Guillaume St-Onge. Celui qui s’y évertue avec la page Facebook L’évolution du patrimoine bâti et des paysages du Québec souligne qu’un immeuble doit être décortiqué pour être apprécié. « Quels sont les matériaux utilisés ? Qui est l’architecte ? Comment l’édifice s’inscrit-il dans la pratique de celui-ci ? Quelle est sa source d’influence ? »
Chaque bâtiment a une histoire. Personne n’est mieux placé que son architecte pour la raconter.
Des séries sur l’architecture
Abstract: The Art of Design
(Netflix)
Un peu l’équivalent de Mind of a Chef pour les designers, la série dresse le portrait de huit créateurs de diverses disciplines. Le quatrième épisode met en vedette l’architecte Bjarke Ingels. Dénués d’esprit critique, les épisodes n’en demeurent pas moins une intéressante incursion dans la tête de concepteurs au sommet de leur art.
Archi branchés
(Canal Savoir)
Dans cette série québécoise animée par Marc-André Carignan, chaque épisode présente un bâtiment, son concepteur et ses usagers. Deux saisons sont archivées sur le site de Canal Savoir; une nouvelle saison est en préparation.
Vu de l’intérieur
(tou.tv)
D’un océan à l’autre, l’animatrice Sophie Bérubé nous fait découvrir des maisons bien pensées en compagnie de l’architecte, du designer ou du propriétaire. Une belle vitrine pour les concepteurs canadiens, dont plusieurs proviennent
du Québec.
L’atelier Pierre Thibault
(La Fabrique culturelle)
La Websérie nous permet d’en apprendre plus sur l’un des architectes les plus connus du Québec. La première saison dévoile le processus créatif de Pierre Thibault, tandis que la deuxième s’interroge sur l’impact de l’architecture sur le mode de vie. La troisième saison nous entraîne à Copenhague.
About Buildings + Cities
(iTunes et Spotify)
L’architecture se consomme aussi sous forme audio. Comme son nom l’indique, la baladodiffusion About Buildings + Cities se consacre aux bâtiments et aux villes, tout en explorant l’architecture dans le monde du cinéma et de la littérature.