Pour faire face au coronavirus, la Chine construit un hôpital de 1000 lits à Wuhan en seulement 10 jours. L’exploit architectural et d’ingénierie n’est que le dernier d’une longue lignée de bâtiments érigés en deux temps, trois mouvements dans l’empire du milieu. On s’est penché sur le phénomène.
Un hôtel de 15 étages a été terminé en six jours à Changsha, un autre de 30 étages était prêt à ouvrir ses portes après 15 jours. Un pont de Pékin a été remplacé en 43 heures. Et dans les derniers jours, plus de 7000 travailleurs s’activaient sans relâche à Wuhan pour compléter les deux hôpitaux (de 1000 et 1300 lits) qui accueilleront les patients atteints du coronavirus.
La Chine, du moins sur le plan de la construction, semble vivre sur une planète à part. Comment le pays réussit-il à bâtir des infrastructures et des bâtiments si vite?
L’innovation au premier plan
Pour Lloyd Alter, la réponse réside en partie dans l’innovation dont fait preuve la Chine. Dans un article de Treehugger publié en 2016 — controversé, si l’on se fie aux commentaires —, celui-ci estimait que l’on devrait s’inspirer des méthodes et de la machinerie chinoises pour construire plus efficacement.
L’auteur et ancien architecte donne en exemple le chemin de fer pour trains à grande vitesse chinois. Au lieu de livrer les sections de ponts préfabriqués, puis de les monter à l’aide d’une grue, une espèce de camion transportant une partie de la plateforme préfabriquée en béton roule le long du tracé, faisant glisser et tomber en place les morceaux jusqu’à ce que tout le chemin de fer soit fini. Le fonctionnement est difficile à expliquer, mais cette vidéo permet de bien le comprendre.
La Chine, plus que toute autre nation, semble accueillir l’innovation à bras ouverts.
Moins d’étapes
Comme le fait remarquer Lloyd Alter, les constructeurs chinois bénéficient aussi de deux avantages: ils n’ont pas à négocier l’achat de terres, puisqu’elles appartiennent à l’état, et ils ont beaucoup moins d’étapes à franchir avant la première pelletée de terre.
En comparaison, un projet québécois doit se soumettre à de nombreuses évaluations, comme une étude d’impact environnemental, avant de voir le jour. Selon son ampleur, il doit notamment être approuvé par les autorités municipales, le gouvernement provincial ou fédéral et respecter la règlementation en matière de protection du patrimoine. En diminuant le nombre d’étapes, on accélère évidemment le processus.
Des conditions différentes
Certains pointent la corruption et les coins ronds pour expliquer les bâtiments chinois bâtis en un rien de temps.
Dans un article de The Atlantic, Matt Schiavenza soulignait pour sa part que les conditions de travail de la main-d’œuvre ne sont pas les mêmes dans l’empire du Milieu. Celle-ci «se compose généralement de migrants internes sans papiers travaillant pendant de très longues heures à bas salaires. Ces travailleurs n’ont pas les moyens de se plaindre de conditions de travail inéquitables et les grèves dans le secteur de la construction sont rares en Chine, ce qui contribue au respect des délais de construction des projets», disait-il.
Le préfabriqué règne
L’industrie de la construction chinoise peut également compter sur un allié de taille dans sa course contre la montre: le préfabriqué.
Comme le détaillait l’ingénieur de l’entreprise de construction spécialisée en éléments préfabriqués Broad Sustainable Building au Guardian, «avec la méthode traditionnelle, on doit construire un gratte-ciel brique par brique, mais avec notre méthode, nous devons simplement assembler les blocs». Déjà, en 2015, la compagnie avait suffisamment perfectionné son processus pour réussir à compléter trois étages d’un gratte-ciel par jour. Cette année-là, elle avait érigé un immeuble de 57 étages en 19 jours.
De l’aveu du directeur adjoint de la société de conseil en ingénierie Arup Beijing, Liu Peng, le préfabriqué n’est pas parfait, même s’il mérite d’être plus développé. Celui-ci amène en effet une certaine uniformité, qui brime l’originalité architecturale.
En construisant rapidement, néglige-t-on l’aspect sécuritaire? Pas selon Zhang Yue, directeur général de Broad Group. «C’est plus sûr, car les usines sont généralement des environnements moins risqués que les chantiers de construction.»
Le patron a eu l’idée de fabriquer des bâtiments préfabriqués après un violent tremblement de terre dans la province du Sichuan en 2008, au cours duquel l’effondrement d’immeubles mal construits a tué des dizaines de milliers de personnes.
Pour Zhang Hue, la construction modulaire a aussi du bon sur le plan environnemental. L’entreprise vante d’ailleurs son utilisation limitée du béton afin de réduire les déchets et ses bâtiments misent sur divers éléments verts, comme un éclairage à faible consommation, des toilettes économes en eau et des ascenseurs qui produisent de l’électricité en descendant. Ce n’est toutefois pas le cas pour tous les bâtiments qui voient le jour en Chine.
La Chine se développe à la vitesse grand V, pour le meilleur et pour le pire. Si certains aspects demeurent problématiques, on peut néanmoins s’en inspirer.